
ENEMY OF THE DISASTER : RECUEIL DE TEXTES POLITIQUES DE RENAUD CAMUS [2023]
(Une recension par David Sexton)
L'écrivain français se penche sur l'immigration et examine les changements qu’elle pourrait amener dans son pays
11 novembre 2023
Tous ceux qui ne savent rien d’autre de l’écrivain français Renaud Camus savent qu’il est — comme Wikipédia l’affirme d’emblée, ce qui est donc répété chaque fois que son nom est mentionné dans la presse — « l’inventeur du Grand Remplacement, une théorie du complot d’extrême droite ».
Il n’était pas possible, jusqu’à ce jour, de lire Camus en anglais, tant les médias mainstream le tenaient à l’écart de la scène publique. Voici enfin traduits ses textes politiques essentiels, publiés par une petite maison d’édition des Etats-Unis, qui ne va pas tarder à révéler au grand jour cette injustice.
Parmi les textes de Camus, ce ne sont pas ceux que j’apprécie le plus. C’est une allusion dans Soumission de Michel Houellebecq qui m’a permis d’entendre, pour la première fois, parler de lui. Intrigué, j’ai acheté un tome de son Journal – tous les ans depuis le milieu des années quatre-vingt en paraît un fort volume, et tous les jours paraît en ligne une nouvelle entrée, que les abonnés au Journal de Camus peuvent lire sur Internet – pour me retrouver captivé par son caractère irascible, son esthétique, son honnêteté radicale sur ce qu’est d’être, dans tous les aspects de sa vie, aussi conservateur qu’il est humainement possible de l’être.
J’ai donc interviewé Camus en 2016 pour le Spectator Life, dans l’imposant château gersois qu’il a acheté en 1992, grâce à la vente de son petit appartement parisien. J’ai beaucoup aimé cette rencontre, et j’ai lu, depuis lors, chacun de ses journaux.
Le seul livre de Renaud Camus à avoir été traduit en anglais jusque là était Tricks, paru en 1982, avec une préface de Roland Barthes - un récit décrivant sans détour quelques vingt-cinq [non, trente-trois, puis quarante-cinq] rencontres gay. La marque de cette œuvre initiale qui perdurera dans toute l’œuvre future – d’une quantité inimaginable, Camus étant graphomane ; son plus récent ouvrage, La Dépossession, compte 827 pages –, est de s’en tenir à la clarté, aussi étrange ou déplaisante soit-elle.
Camus, maintenant âgé de soixante-dix sept ans, me dit que la notion de Grand Remplacement lui vint aux alentours de 1996, alors qu’il écrivait une étude sur département de l’Hérault (il a écrit de nombreux et excellents guides de voyages sous la rubrique des Demeures de l’esprit, dont deux portent sur la Grande-Bretagne). Dans les villages médiévaux qu’il traversait, il fit cette rencontre,
ainsi qu’il le raconte dans un discours intitulé en 2010 intitulé simplement "Le Grand Remplacement" :
« apparaissait presque exclusivement une population inédite en ces parages et qui par son costume, par son attitude, par sa langue même, semblait ne pas lui appartenir mais relever d’un autre peuple, d’une autre culture, d’une autre histoire. »
Certains seraient disposés à faire bon accueil à ces nouveaux arrivants, mais Camus considère ce changement de population comme un désastre sans précédent :
« Aucun épisode depuis quinze siècles, si dramatiques que certains aient pu être, ni la guerre de Cent Ans, ni l’occupation allemande, n’ont constitué pour la patrie une menace aussi grave, aussi fatale, aussi virtuellement définitive en ses conséquences que le changement de peuple. »
Il n’accepte pas que ces nouveaux venus soient français, au sens propre du terme : « s’ils sont aussi français que moi, je le répète, français ne veut pas dire grand chose ». Il prend l’image du couteau de Lichtenberg – « on change le manche, puis la lame, mais c’est toujours le même couteau » - pour illustrer ce phénomène.
Camus ne donne jamais de statistiques démographiques, les statistiques ethniques étant de toute façon interdites en France. Mais, prône-t-il, « s’il est interdit de compter et de publier ses chiffres il ne l’est pas encore tout à fait d’en croire ses yeux et l’expérience quotidienne ». Une donnée mérite cependant la peine d’être connue : bien que ses éditeurs, Fayard et P.O.L., l’aient cancelled en 2010, forçant Camus à avoir recours à l’auto-publication, au milieu des procès et des diffamations, sa célèbre expression a connu un très grand succès en France, et pas seulement auprès des partisans du Rassemblement National ou d’Éric Zemmour. Un sondage de 2021 d’Harris Interactive a révélé que 61% des interrogés pensaient que le Grand Remplacement allait se produire.
Les autres œuvres traduites dans ce recueil au titre peu clair tournent tous autour de cette idée centrale. Camus croit que seul l’effondrement de l’école – « le Petit Remplacement » – a permis que le changement de peuple ait lieu, Camus étant persuadé qu’un peuple qui connaît ses classiques ne consent pas à sa propre disparition. La Grande Déculturation est une défense féroce de l’élitisme culturel contre ce qu’il appelle l’hyperdémocratie, « l’implémentation de l’égalité dans des domaines où elle n’a rien à faire. »
Dans “La Seconde Carrière d’Adolf Hitler”, il affirme que c’est le legs d’Hitler qui a véritablement empêché
“non seulement toute référence aux races, il va sans dire, mais aussi, peu ou prou, aux ethnies, aux peuples, aux civilisations, aux cultures diverses, aux origines en général, aux nations à travers le temps, dans l’héritage, la transmission et la durée.”
Tout au long du livre, Camus insiste sur le fait qu’il ne croit par en un complot :
“Je crois plutôt, hélas, à d’obscurs mouvements aux tréfonds de l’espèce, soumis aux lois mêmes de la tragédie, à commencer par la première d’entre elles, qui veut que soient exaucés les civilisations et les hommes dont la perte est écrite - ainsi on a voulu que l’éducation soit égalitaire : c’est fait, personne n’apprend plus rien, le ré-ensauvagèrent du monde est en marche."
Le “Grand Remplacement” est simplement une observation, nommée de façon choquante.
Les voilà donc, en anglais maintenant, ces affirmations, disant l’indicible avec éloquence et vigueur. Les traducteurs se donnent beaucoup de mal pour expliquer qu’ils n’auraient pas publié ce livre s’ils avaient pensé que les termes novateurs de Camus couraient le risque d’être détournés à des fins malveillantes, “par des racistes déterminés et violents et des suprémacistes blancs, dont Camus abhorre la violence”. Ils affirment même diminuer les chances pour que cela se produise en remplissant un “vide contextuel”.
Ils font peu mention des autres œuvres de Camus, de ses romans, de ses élégies et de ses églogues, de ses remarquables journaux et de ses prolifiques tweets-aphorismes. L’horreur typiquement conservatrice que le changement inspire à Camus, le lecteur peut la voir, dans ces autres textes, s’étendre à bien d’autres domaines : à l’emploi sans-gêne des prénoms, à la dégénérescence de la syntaxe, à l’apparition des éoliennes, à la prévalence de la pop musique, au devenir-banlieue du monde, aux T-shirts, aux transports publics, à l’usage des téléphones portables dans les lieux publics, aux gens parlant trop fort, à la disparition des doubles portes dans les hôtels. Il a soif de silence, d’espace, de courtoisie et de gentillesse.